Le MicroFinancement une solution pour lutter contre la pauvreté ?

Mercredi d'Agisens sur le microfiancement - 27 mars 2019

Mme Diallo et sa cantine. Bignona.
Mme Diallo et sa cantine. Bignona.

Une soirée passionnante dans une ambiance très conviviale qui nous a permis de découvrir quelques acteurs du financement solidaire en Savoie.

 

Le microcrédit a fait son apparition dans les années 70 au Bangladesh par le professeur Muhammad Yunus, Prix Nobel de la Paix 2006, qui souhaitait permettre aux femmes pauvres de son pays de développer de petites activités économiques. La méthode sera ensuite exportée dans les pays de sud, puis transposée en Europe.    Aujourd'hui, en France comme à l'étranger, c'est une occasion pour certains de pouvoir créer leur activité, leur emploi... Avec L'Adie, France Active Savoie Mont Blanc, et les Pays de Savoie Solidaires voyons où nous en sommes !

1/ l'ADIE

Association pour le Droit à l'Initiative Economique

David Serneels, représentant de l’ADIE en Savoie nous a présenté l’association qui existe depuis 30 ans et qui a des agences un peu partout en France mais aussi dans les DOM TOM et un peu à l’international. Il y a un salarié par département et ils travaillent avec des bénévoles qu’ils forment à l’accompagnement des personnes.

 

L’ADIE est plus spécialisée sur le micro-crédit et la micro-assurance, qui s’adresse aux personnes qui n’ont pas accès aux crédits bancaires car ils ne rentrent pas dans les critères de la banque (demandeur d’emploi, allocataires des minima sociaux,).  En 2018 114 personnes ont obtenu un microcrédit grâce auquel 90 personnes ont pu créer leur propre emploi dans le département.

Ce sont en général de petits projets entre 500 et 10 000€ avec un plan de financement inférieur à 20 000€. Ils peuvent obtenir des prêts d’honneur, des subventions suivant les cas.

 

Les prescripteurs sont Pôle emploi, les chambres consulaires, les assistantes sociales, les cités lab, les régies de quartier, etc…

Un accompagnateur bénévole, Emmanuel Lordet a présenté son rôle : « il s’agit d’un accompagnement personnalisé en une, deux ou trois fois, cela peut aller assez vite. On étudie le projet de la personne, ses attentes, son parcours, tout cela avec bienveillance. Une fois le projet lancé, il est suivi jusqu’à 3 ans pour être sûr que le projet démarre bien. En cas de besoin ils ont recours a des experts bénévoles, anciens chefs d’entreprises, comptables, juristes qui peuvent intervenir très ponctuellement. C’est une association très structurée ou les bénévoles sont formés à l’accompagnement avant d’intervenir."

Un témoin pas ordinaire nous a fait part de son expérience : Grâce au micro-crédit Tahar Meguireche a acheté un camion et a ainsi pu démarrer son activité de Fauconnage / Effarouchage. Après avoir dû cesser son travail pour raison de santé, il a décidé de se consacrer à sa passion : le fauconnage qu’il pratiquait déjà pendant ses temps libres et ses congés. Après avoir créé une association, il s’est finalement lancé dans l’entrepreunariat. Son entreprise d’effarouchage fonctionne très bien, à tel point qu’il n’a pas besoin de faire de publicité ! C’est un mode d’éviction des nuisibles par un moyen totalement écologique, naturel et efficace ! Avec démonstration d’invités surprise !

2/ France Active Savoie MontBlanc

Anne-Laure Pitiot, directrice de France Active Savoie Montblanc, présente un des premiers réseaux de finance solidaire en France, créé par Claude Alphandéry -  banquier, ministre, ancien résistant - en 1988, à l’époque de la création du RMI, de la massification du chômage. Il est à l’origine d’une alternative pour trouver de l’emploi : bouger les banques pour financer des projets entre 10 et 100 mille d’euros pour demandeurs d’emploi.

 

L’idée est d’être fonds de garantie « France Active Garantie », de proposer à la banque une garantie, une caution pour ces projets. Bien sur une expertise économique et financière est mise en place pour vérifier la viabilité économique du projet, ainsi qu’une adéquation homme/projet. Grâce à l’accompagnement France Active obtient 80% de pérennité à 3 ans. Alors qu’une entreprise « classique » sur deux, ferme au bout de 3 ans.

Dans les années 80 ils ont l’idée de créer un nouvel outil financier : une société d’investissement solidaire « France Active Investissement » qui permettra à de nombreux projets de partager les risques avec la banque. Cette société est financée par la caisse des dépôts, des privés et de l’épargne salariale.

Ainsi 7400 projets/an en France, 300 en Savoie sont financés par ce biais pour 300 millions d’euros, dont 5,4 millions en Savoie en 2017.

 

La Garantie France Active permet pour 1 € investit de garantir 5€ de prêt bancaire, une grande aide donc pour les porteurs de projets, et notamment, pour les jeunes qui n’ont pas d’expérience ni d’argent, une subvention de 2000€ peut être accordée pour les – de 26 ans.

France Active a permis à bon nombre de projets connus maintenant en Savoie comme Filmiz, de profiter d’une garantie bancaire. Une initiative en Savoie a permis d’accompagner les Femmes Cheffes d’Entreprise, plus de 50% des projets accompagnés en Savoie sont portés par des femmes contre 40% en France. Ils apprécient aussi de financer des projets engagés (Boulangère bio, par ex…), qui ont du sens.

Ils ne font pas que du financement mais aussi de la sensibilisation (en avant pays savoyard, en tarentaise…), proposent d’initier à la posture commerciale, comment vendre son projet, des ateliers de créativité.

 

Les projets de création de TPE (très petite entreprise) financés ne dépassent pas des plans de financement de plus de 100 000€, sauf le cas de reprise d’entreprise, qui peut être très onéreux.

Il y a quand même une sélection des projets en comités : les projets doivent être viables économiquement et l’entrepreneur en adéquation avec son projet. Ils ont beaucoup de personnes  en reconversion. Pour bénéficier de leur aide il faut être inscrit à Pôle emploi mais pas forcément indemnisé, car cela permet d’obtenir des déductions de cotisations. Les expertises sont réalisées par des salariés mais ils travaillent aussi avec des bénévoles notamment dans le comité d’engagement. Il est formé de juristes, comptables, banquiers, chefs d’entreprise classique ou solidaire.

Pour les associations et entreprises solidaires, les prêts participatifs de France Active vont de 10.000€ à plusieurs millions d’euros en fonction des besoins et de la capacité de remboursement des structures (pour de la trésorerie, pour des investissements productifs…)

 

Ils peuvent également aider des associations par des accompagnements stratégiques, gratuits pour ces dernières (dispositif DLA), à condition qu’elles soient employeurs. 

Un petit mot sur l’Epargne Salariale : Depuis 2012 la loi a imposé aux entreprises d’avoir un fonds à impact solidaire dans leurs Plan Epargne Entreprise. France Active récupère ainsi 10% de ce fonds solidaire.  Le Capital de France Active Investissement est de 190 Millions d’€, en 2018 se  sont 34 millions d’€ collectés par France Active en France, redistribués sous forme de prêts aux entreprises solidaires, dont 2 millions localement.

Une spécificité de Savoie et Haute Savoie : le micro-crédit personnel, pour des personnes qui viennent de retrouver un emploi, par exemple pour financer un véhicule, une formation, un permis de conduire… c’est en croissance, en 2018 plus de 130 microcrédits.

 

En 2017, 2100 emplois ont été créés et consolidés en Savoie et haute-Savoie grâce aux interventions de France Active Savoie Mont-Blanc,  contre 34000 au niveau national.

3/Les Pays de Savoie Solidaires

Et la délégation Sénégalaise des acteurs de l'insertion professionnelle de Bignona.

Valentin Poncet, chargé de mission des Pays de Savoie Solidaires nous présente la délégation sénégalaise du département de Bignona : Moctar Ndour, animateur économique au Conseil Départemental de Bignona, Ibrahima Ficou, proviseur du lycée agricole Emile Badiane de Bignona et Sylvie Malack, directrice du centre de formation professionnelle d’Albadar (Kafountine). Leur présence intervient dans le cadre du diagnostic des acteurs de l’insertion professionnelle. L’action conjointe des Pays de Savoie Solidaires et du département de Bignona a permis la création d’un Réseau des acteurs pour l’emploi (REACTE). Ils ont accepté de venir à notre réunion pour nous parler des mécanismes de microfinancement au Sénégal.

Depuis longtemps les femmes financent des projets par le système de tontines. Elles se regroupent autour d’un village ou d’un quartier en adhérant chacune à un groupe. Les montants et les règles sont fixées ensemble et un garant est choisi par le groupe. Ce système est basé sur la confiance et leur permet à tour de rôle d’avoir une somme plus importante pour investir dans un matériel, un projet pour leur activité. 

Ce système s’est étendu et adapté dans divers organismes de formation comme au lycée de Bignona. Cela permet alors aux élèves de sortir en ayant un petit financement pour acheter une ferme, les aider à trouver un plus gros financeur, etc… A ce jour, ils ont pu financer 4/5 fermes qui fonctionnent. Ils sont aidés en plus par une ONG de Lausanne.

 

Idem pour l’organisme de formation professionnel. Ils procèdent à l’Epargne Crédit Interne ou chaque élève peut déposer régulièrement une somme qui leur est redistribuée à la fin de leurs études et leur permet d’avoir un apport personnel pour démarrer et obtenir un financement.

Les Pays de Savoie Solidaires interviennent aussi en Casamanceune région très pauvre au sud du Sénégal. Cette région sort de 20 ans de rébellion et de conflits. Si on veut survivre là-bas il faut beaucoup de monnaie et beaucoup d’amis !

Les PSS veulent aller plus loin dans leur accompagnement et se sont alliés à l’association Entrepreneurs du monde. Ils espèrent ainsi pouvoir financer d’ici 8 ans 80000 personnes, notamment des auto-entrepreneurs par des microcrédits sociaux d’une valeur de 15 à 150€, qui permettent de démarrer une activité commerciale ou de financer une dépense exceptionnelle. Les personnes financées doivent alors s’organiser en groupe et participer à toutes les réunions pendant lesquelles un temps de formation soit sociale, soit de gestion ou de finance, est obligatoire. Les personnes font acte de remboursement dont elles choisissent elles-mêmes le montant en proclamant le taux et doivent tenir leurs engagements.

 

Ils interviennent aussi pour aider les très petites entreprises de 2 à 10 salariés à se développer par des prêts d’honneur de 150 à 1500€. Par exemple des tailleurs, des entreprises de transformation. Ces prêts ne sont pas sans contreparties, ils doivent obligatoirement épargner et suivre une formation à l’entreprenariat apportée par les PSS.

Ces derniers ne sont pas uniquement financeurs, leur approche est participative, loin de l’assistanat, et veillent à l’autonomisation et à la responsabilisation des porteurs de projets.

Ils souhaitent développer maintenant d’autres métiers (le bâtiment, les transports) et sont en cours de diagnostic des filières.

 

Ils développent des partenariats avec différents acteurs de Savoie et ont actuellement un projet en cours avec le lycée de la Motte Servolex ou 9 élèves et 3 enseignants vont partir au Sénégal.

 

Vous pouvez retrouver les projets à parrainer sur : https://savoie2bignona.entrepreneursdumonde.org

 

Pour en savoir plus contactez : valentin.poncet@paysdesavoiesolidaires.org

En Conclusion

Le microfinancement permet non seulement à des personnes de créer leur emploi, mais participe au développement économique, que ce soit en France ou à l'étranger.

Donc porteurs de projets, n'hésitez pas à contacter ces organismes si vous êtes tentés...

Merci à nos intervenants d'avoir participé à cette soirée, le pot de l'amitié s'est déroulé dans une ambiance animalière fort sympathique !